« L’espoir de réussir et la crainte d’échouer »
Si Henri Bergson voit l’homme comme le seul animal donc l’action soit mal assurée, qui hésite et tâtonne, il le voit aussi comme le seul qui forme ses projets avec espoir et crainte à la fois.
- Vous et moi, n’accorderions-nous pas trop d’importance à nos échecs ?
L’échec fait mal et confronté à cette douleur, nous avons parfois tendance à prendre l’échec de notre projet pour celui de notre personne. Mais rater, ce n’est pas être un raté. Mieux vivre l’échec s’est déjà le redéfinir. L’échec n’est pas celui de notre personne, mais celui d’une rencontre entre un de nos projets et un environnement. Si nous pouvons et devons l’assumer, nous n’avons pas à nous identifier à lui.
Le mot « échec » viendrait peut-être du vieux français « eschec » terme apparu au XIè siècle et qui désigne le butin. Le butin comme signe de victoire. Je suis tenté de croire à cette étymologie. Nos échecs seraient nos butins, et pourquoi pas même de véritables trésors. Il faut prendre le risque de vivre pour les découvrir et les partager pour en estimer le prix.
Avant de continuer au présent, celui de l’entreprise, des process et autres contraintes que nous nous imposons ou pas d’ailleurs, je vous propose de revenir quelques dizaines d’années auparavant. Pas une année, pas un mois, mais au lendemain de votre naissance. Juste pour vous rappeler que si nous l’avons oublié les années passant, à peine arrivé au monde nous avons échoué avant de réussir et pas qu’un peu…
Maintenant, comparez le nouveau-né que vous êtes à un poulain. Vous ne savez ni marcher ni parler. Avant de réussir à mettre un pas devant l’autre, vous chuterez en moyenne 2000 fois, 2000 échecs avant le premier succès.
Le poulain, lui, à peine sorti du ventre de sa mère, déplie les pattes, se redresse et en quelques minutes, se met à marcher. A l’inverse, le nouveau-né que vous êtes semble être venu trop tôt. Vous allez devoir pour progresser, tirer des leçons de vos échecs. Mieux vous allez aussi apprendre des échecs de vos aïeux, ce qui est le propre de la civilisation. Trois mois, après votre naissance, vous aurez parcouru un chemin extraordinaire. Pas le poulain.
Dix à quinze mois vous permettrons alors de réussir à marcher, puis vous arriverez ensuite à conduire des voitures, piloter des avions et pourquoi pas pour certains…aller sur la lune.
- L’erreur est donc humaine comme dit le proverbe.
Mais nous avons coutume de n’entendre que la première partie de ce proverbe, en lui attribuant que l’erreur, en fait n’est pas grave, on oublie de la citer en entier : « L’erreur est humaine, la reproduire est diabolique ». La deuxième partie nous enseigne donc que si l’homme peut apprendre d’une erreur, la reproduire c’est s’enfermer dans l’ignorance.
L’échec peut nous permettre d’apprendre plus vite. Aux états-unis par exemple ils parlent de « Fast Fail ». Mieux vaut un échec rapide et rapidement rectifié que pas d’échec du tout. Alors ils font des conférences, célèbrent leurs échecs et en font même parfois une méthode de recrutement.
Cela à l’inverse de notre idée typiquement française, qui consiste à dire (même si cela a tendance à s’améliorer), qu’il est décisif de réussir vite. Ce que l’on nomme le « Fast track ». Se placer le plus tôt possible sur la route du succès.
Sympa pour toutes celles et ceux qui errent encore sur la route, et pas forcément du succès…
Trop souvent, nous voyons l’échec comme une porte qui se ferme dit Charles Pépin dans son livre « Les vertus de l’échec ». Et si c’était aussi une fenêtre qui s’ouvre ? Et si nous en profitions pour grandir un peu plus. Plus d’humilité et de résilience. D’ailleurs, certains sports nous offrent de le vivre. Comme le judo par exemple, où le premier apprentissage du judoka est d’apprendre à tomber. Tomber sans se crisper, sans avoir peur et en accompagnant le mouvement pour mieux se relever. Le judoka l’accepte et en chutant apprend un peu plus de son adversaire. Chuter, c’est ainsi découvrir l’efficacité de l’une de ses prises.
Repartons en l’an 161, celui où Marc Aurèle, à la tête de l’empire romain voit l’échec comme une expérience du réel. Et sa prière d’alors est toujours il me semble autant d’actualité :
Parfois, pressé d’en découdre, nous présupposons que tout dépende nous. Nous faisant ainsi une fausse idée du réel, une interprétation…notre interprétation. Pourtant, force est de constater, que dans ce réel, il y a des choses qui dépendent de nous et d’autres qui n’en dépendent pas. Avant d’agir, commençons par identifier ce qui ne dépend pas de nous et acceptons de ne pas le changer. Au lieu de nous agiter dans tous les sens, sans tenir compte des forces en présence, il est plus efficace d’accepter tout de suite ce qui ne dépend pas de nous pour mieux nous concentrer sur le reste…sur ce qui peut être changer.
Plus près de nous, Nelson Mandela ne disait-il pas : « Je ne perds jamais, je gagne ou j’apprends ».
Face à un échec comme face à une épreuve, la question n’est pas de savoir si cela est juste ou pas, mais si nous pouvons en tirer un apprentissage. Si nous pouvons nous appuyer dessus pour construire autre chose.
- L’échec devient une chance pour se réinventer
Ici, et une nouvelle fois Charles Pépin le dit très bien, nos échecs ont la vertu de nous rendre disponible, de favoriser un changement de voie, de cap. Il ne nous rend pas forcément plus sage, plus humble ou plus fort, mais tout simplement disponible pour autre chose et c’est de cet autre chose dont j’aimerai parler maintenant. La montagne face à vous, que vous ne pouvez bien évidemment pas déplacer ou changer, pourra être une alliée et d’une aide précieuse pour celle ou celui qui pensera à l’escalader et voir ce qui se trouve d’ailleurs. Autant d’indications et d’informations alors, qui serviront pour réussir la suite du chemin.
Cependant, nous nous plaignons souvent d’être dans la répétition. Nous continuons à faire des choses que nous n’aimons pas, que l’on n’arrive pas à changer. Et si on s’interrogeait sur cet acte manqué, sur notre facilité à ne pas en sortir de cette spirale qui nous déplait ? Peut-être parce que tout simplement nous sommes en terrain connu et qu’il est plus confortable de le répéter. Je sais, ce n’est pas super à entendre mais si l’échec peut- être considéré parfois comme un acte manqué, il nous demande peut-être aussi d’ouvrir les yeux. S’il se répète, c’est peut-être aussi que nous persévérons à maintenir nos yeux fermés.
Avec tous ces peut-être, un exemple me paraît à propos.
Je ne parlerai pas des sœurs Tatin et de leur fameuse tarte mais plutôt de ces chercheurs du laboratoire Pfizer qui en voulant traiter les angines de poitrine avec une substance chimique appelée Citrate de Sildénafil, manquent leur objectif. La substance ne produit pas l’effet escompté mais un effet secondaire totalement inattendu : une forte érection. Le Viagra était découvert. Cette montagne si j’ose dire, escaladée alors par ces chercheurs leur donne un tout nouveau point de vue. Ils viennent de trouver un remède à l’impuissance que les hommes cherchaient depuis des siècles.
- Oser, c’est oser l’échec
A l’origine de bien des réussites, il y a une prise de risque. L’acceptation de la possibilité de l’échec. Pourtant, il est possible de vivre une existence entière sans jamais rien oser. En ne faisant que des choix raisonnables… attendant toujours le bon moment pour agir et finalement ne pas agir du tout. Permettez moi une nouvelle fois de citer Charles Pépin.
Décision et choix, deux termes qui semblent synonymes et qui ne le sont pas. Comprendre leur différence, c’est qui sait approcher le secret de l’audace.
Une option A et une option B s’offre à nous. Après examen rationnel, l’option B s’avère être bien meilleure, nous la choisissons alors. C’est fondé et explicable, il y a donc ici, rien à décider. Mais malgré cela, nous continuons à douter, vous savez cette petite voix dans la tête… Pas d’argument supplémentaire, seul le doute persiste et pourtant quelque chose nous dit, on sent qu’il faut opter pour B. Nous décidons alors. La décision demande un saut au-delà des arguments rationnels, une confiance en son intuition. C’est précisément lorsque le savoir ne suffit pas que nous devons décider. C’est une action. C’est de l’audace. Et cette audace implique par définition la possibilité de l’échec.
L’audace ne nous délivre pas de la peur, elle nous donne la force d’agir. L’audacieux connait la peur mais il en fait son moteur. Il cherche à réduire le risque au maximum, mais sait prendre le risque qui reste. « Il tente sa chance en connaissance de cause ».
- Il faut réussir à échouer.
Car le véritable échec serait de n’avoir aucun. Nous n’aurions jamais osé. Et c’est aussi vrai pour un individu que pour une entreprise, une société. Le sens du risque c’est ce qui rend l’individu ou l’entreprise vivants.
Alors, comment apprendre à oser ?
Une des premières conditions de l’audace est d’accroitre son expérience, sa compétence, de maitriser sa zone de confort pour oser en sortir et faire le pas de plus. L’audace est un résultat : on ne nait pas audacieux, on le devient. Apprendre à oser, c’est apprendre à ne pas tout oser, à oser quand il le faut, lorsque l’action exige ce saut au-delà de ce que nous savons. Oser s’apprend aussi en admirant l’audace des autres. Elle nous rassure, nous prouve qu’il est possible de réussir à devenir soi. Pour réussir à oser, il faut également ne pas être trop perfectionniste. C’est l’action qui libère de la peur.
Quatre principes donc pour apprendre à oser :
- Accroitre sa compétence
- Admirer l’audace des autres
- Ne pas être trop perfectionniste
- Se souvenir que l’échec sans audace fait encore plus mal
Petite leçon de confiance en soi
Un professeur tend un billet de 50 € et demande à ses élèves :
Qui aimerait avoir ce billet ? Les mains se lèvent.
Il chiffonne ce billet et demande : Vous le voulez toujours ? Les mains se lèvent encore.
Il jette le billet froissé par terre, saute dessus à pieds joints et dit : Vous le voulez toujours ? Et encore, les étudiants lèvent leurs mains.
Il dit alors : Peu importe ce que je fais avec ce billet, vous le voulez toujours, car sa valeur n’a pas changé. Il vaut toujours 50 €. Plusieurs fois dans votre vie, vous serez froissés, rejetés par les gens et les événements. Vous aurez l’impression que vous ne valez plus rien, mais votre valeur n’aura pas changé aux yeux des personnes qui vous estiment vraiment. Même les jours où nous sommes moins à notre avantage, notre valeur reste la même.
Je conclurai avec la sagesse de Lao-tseu, père du taoïsme qui dès le VI siècle affirmait : « L’échec est au fondement de la réussite ».
Je ne saurai que trop vous conseiller le livre « Les vertus de l’échec » de Charles Pépin dont ce post est largement inspiré.